lundi 6 octobre 2008

AU BORD DU GOUFFRE

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par Paul Krugman
3 octobre 2008

Voilà deux semaines que les très mauvaises nouvelles se succèdent à un rythme accéléré. Des secteurs entiers des marchés du crédit sont à l’arrêt. Les conséquences de la crise financière sur l’économie réelle s’aggravent de jour en jour. La crise menaçant d’échapper à tout contrôle, il faudrait agir résolument et rapidement. Pourtant, les responsables du moment ne sont pas à la hauteur de la situation et quatre mois nous séparent encore de l’entrée en fonction de la nouvelle équipe à la Maison Blanche. Quatre mois durant lesquels pas mal de choses peuvent - et vont sans doute - mal tourner, avertit Krugman.


Par Paul Krugman, New York Times, 2 octobre 2008

Voilà trois semaines de cela, il était encore possible d’affirmer que l’état de l’économie américaine, bien que franchement médiocre, n’était pas catastrophique. Que le système financier, bien que soumis au stress, ne s’effondrait pas et que les difficultés de Wall Street n’avaient que peu d’impacts sur Main Street, l’économie réelle.

Mais c’était il y a trois semaines.

Les nouvelles en provenance de la finance et de l’économie depuis la mi-septembre ont été vraiment très, très mauvaises. Et ce qui est vraiment effrayant, c’est que nous abordons cette période de crise grave sous la conduite de responsables affaiblis et en proie à la confusion.

Cette avalanche de mauvaises nouvelles a débuté le 14 septembre. Henry Paulson, le secrétaire au Trésor, pensait qu’il pourrait s’en tirer en laissant faillir la banque d’investissement Lehman Brothers. Il a eu tort. Les investisseurs ont été piégés par l’effondrement de Lehman. Comme l’a écrit The Times, Lehman est devenue « Le piège à cafard des investisseurs de Wall Street : ils sont entrés, mais ils ne peuvent plus sortir. » Sur les marchés financiers, leur sort a semé une panique qui depuis n’a fait que croître. Les thermomètres du stress financier sont montés en flèche, indiquant une fièvre carabinée, et des pans entiers du système financier ont tout simplement vu disparaître toute activité.

Il devient de plus en plus évident que cet effondrement de la finance se propage sur Main Street. Les petites entreprises ont du mal à lever des fonds et se voient couper leurs lignes de crédit. Les chiffres de l’emploi et de la production industrielle se sont fortement aggravés, ce qui suggère qu’avant même la chute de Lehman l’économie, déjà en ralentissement depuis l’an dernier, était en chute libre.

Jusqu’à quel point cette situation est-elle grave ? Des commentateurs habituellement modérés sont maintenant apocalyptiques. Ce jeudi, le trader John Jansen notait sur son blog que les conditions actuelles sont « l’équivalent financier du règne de la Terreur durant la Révolution Française », et Joel Prakken, de Macroeconomic Advisers, écrit que l’économie semble être au « bord de l’abîme ».

Et ceux qui devraient nous conduire loin de cet abîme sont partis déjeuner...

La Chambre va probablement voter vendredi sur la dernière version du plan de sauvetage. A l’origine, c’était le plan Paulson, puis c’est devenu le plan Paulson Dodd-Frank. Désormais il faudrait sans doute écrire le plan Paulson-Dodd-Frank-Clientèlisme (la dernière version contient encore plus de cadeaux fiscaux que la précédente). J’espère qu’il sera adopté, tout simplement parce que nous sommes en pleine panique financière, et qu’un nouveau vote négatif provoquerait une panique encore pire. Ou, pour le dire différemment : l’économie est désormais l’otage des fautes commises par le Département du Trésor.

Car ce plan est une vraie calamité - et c’est inexcusable. Le système financier est soumis au stress depuis plus d’un an, et des plans d’urgence soigneusement préparés auraient du être prêts à l’emploi pour le cas où les marchés s’effondreraient. De toute évidence, il n’y en avait pas : le plan Paulson a clairement été rédigé dans la précipitation et la confusion. Et les fonctionnaires du Trésor n’ont toujours pas fourni d’explication claire sur la façon dont ce plan est censé fonctionner. Sans doute parce qu’ils n’ont eux-mêmes aucune idée de ce qu’ils font.

Malgré tout, comme je l’ai écrit, j’espère que ce plan sera adopté, parce que sinon, nous allons probablement assister à une panique encore plus grande sur les marchés. Au mieux, ce plan permettra de gagner un peu de temps pour rechercher une vraie solution à la crise.

Reste la question : disposons nous de temps ?

La solution à nos difficultés économiques devra d’abord passer par un sauvetage du système financier bien mieux conçu. Ce qui va presque certainement impliquer que le gouvernement devienne propriétaire de ce système, de façon partielle et temporaire, à la manière de ce qu’avait fait le gouvernement suédois au début des années 1990. Il est pourtant difficile d’imaginer que l’administration Bush franchisse ce pas.

Nous avons également désespérément besoin d’un plan de relance économique pour lutter contre la baisse de la consommation et de l’emploi. Il faudrait cette fois qu’il s’agisse d’un plan sérieux, qui ne soit pas basé sur l’invocation magique des réductions d’impôts, mais plutôt sur des dépenses effectuées dans les secteurs où c’est nécessaire. (Le soutien aux administrations nationales et locales, contraintes de réduire leurs dépenses au pire moment, est également une priorité.) Reste qu’il est difficile d’imaginer que l’administration Bush sur le départ crée une agence chargée de grands travaux à l’image de ce qu’avait fait Roosevelt.

Nous devrons donc probablement attendre que la prochaine administration entre en fonction. Elle devrait être beaucoup plus a même de prendre les bonnes décisions - même si c’est loin d’être assuré, compte tenu de l’incertitude sur le résultat des élections. (Je ne suis pas un fan de M. Paulson, mais je préfère l’avoir au Trésor que, disons, Phil Gramm, qui conseille McCain. )

Si l’élection n’est plus éloignée que de 32 jours, il faudra cependant près de quatre mois jusqu’à ce que la prochaine administration entre en fonction. Bien des choses peuvent - et vont sans doute - mal se passer durant ces quatre mois.

Une chose est sûre : l’équipe économique du prochain gouvernement ferait mieux d’être prête à sauter en marche, car dès le premier jour elle va devoir affronter la pire crise économique et financière depuis la Grande Dépression.


SOURCE/ Contre Info

ÊTES-VOUS PRÈS POUR LE CHANGEMENT ?

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EDGE OF THE ABYSS

It has been two weeks since the very bad news succeeds one another with an accelerated rhythm. Whole sectors of the markets of the credit are in the stop. The consequences of the financial crisis on the real economy deteriorate from day to day. The crisis threatening to escape any control, it would be necessary to act determinedly and quickly. Nevertheless, the people in charge of moment are not as high as the situation and four months still separate us from the taking office of the new team to the White House. Four months in the course of which quite a lot of things can - and doubtless go - badly to turn, warns Krugman.


As recently as three weeks ago it was still possible to argue that the state of the U.S. economy, while clearly not good, wasn’t disastrous — that the financial system, while under stress, wasn’t in full meltdown and that Wall Street’s troubles weren’t having that much impact on Main Street.

But that was then.

The financial and economic news since the middle of last month has been really, really bad. And what’s truly scary is that we’re entering a period of severe crisis with weak, confused leadership.

The wave of bad news began on Sept. 14. Henry Paulson, the Treasury secretary, thought he could get away with letting Lehman Brothers, the investment bank, fail; he was wrong. The plight of investors trapped by Lehman’s collapse — as an article in The Times put it, Lehman became “the Roach Motel of Wall Street: They checked in, but they can’t check out” — created panic in the financial markets, which has only grown worse as the days go by. Indicators of financial stress have soared to the equivalent of a 107-degree fever, and large parts of the financial system have simply shut down.

There’s growing evidence that the financial crunch is spreading to Main Street, with small businesses having trouble raising money and seeing their credit lines cut. And leading indicators for both employment and industrial production have turned sharply worse, suggesting that even before Lehman’s fall, the economy, which has been sagging since last year, was falling off a cliff.

How bad is it? Normally sober people are sounding apocalyptic. On Thursday, the bond trader and blogger John Jansen declared that current conditions are “the financial equivalent of the Reign of Terror during the French Revolution,” while Joel Prakken of Macroeconomic Advisers says that the economy seems to be on “the edge of the abyss.”

And the people who should be steering us away from that abyss are out to lunch.

The House will probably vote on Friday on the latest version of the $700 billion bailout plan — originally the Paulson plan, then the Paulson-Dodd-Frank plan, and now, I guess, the Paulson-Dodd-Frank-Pork plan (it’s been larded up since the House rejected it on Monday). I hope that it passes, simply because we’re in the middle of a financial panic, and another no vote would make the panic even worse. But that’s just another way of saying that the economy is now hostage to the Treasury Department’s blunders.

For the fact is that the plan on offer is a stinker — and inexcusably so. The financial system has been under severe stress for more than a year, and there should have been carefully thought-out contingency plans ready to roll out in case the markets melted down. Obviously, there weren’t: the Paulson plan was clearly drawn up in haste and confusion. And Treasury officials have yet to offer any clear explanation of how the plan is supposed to work, probably because they themselves have no idea what they’re doing.

Despite this, as I said, I hope the plan passes, because otherwise we’ll probably see even worse panic in the markets. But at best, the plan will buy some time to seek a real solution to the crisis.

And that raises the question: Do we have that time?

A solution to our economic woes will have to start with a much better-conceived rescue of the financial system — one that will almost surely involve the U.S. government taking partial, temporary ownership of that system, the way Sweden’s government did in the early 1990s. Yet it’s hard to imagine the Bush administration taking that step.

We also desperately need an economic stimulus plan to push back against the slump in spending and employment. And this time it had better be a serious plan that doesn’t rely on the magic of tax cuts, but instead spends money where it’s needed. (Aid to cash-strapped state and local governments, which are slashing spending at precisely the worst moment, is also a priority.) Yet it’s hard to imagine the Bush administration, in its final months, overseeing the creation of a new Works Progress Administration.

So we probably have to wait for the next administration, which should be much more inclined to do the right thing — although even that’s by no means a sure thing, given the uncertainty of the election outcome. (I’m not a fan of Mr. Paulson’s, but I’d rather have him at the Treasury than, say, Phil “nation of whiners” Gramm.)

And while the election is only 32 days away, it will be almost four months until the next administration takes office. A lot can — and probably will — go wrong in those four months.

One thing’s for sure: The next administration’s economic team had better be ready to hit the ground running, because from day one it will find itself dealing with the worst financial and economic crisis since the Great Depression.

SOURCE/ New-York Times


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